Insécurité, L’autorité manque

HAKIM ARIF

Nous en sommes là aujourd’hui. A Casablanca, les vols et les agressions sont devenus monnaie courante à tel point qu’ils sont le sujet quotidien des discussions des Casablancais. La situation n’est pas réjouissante. Surtout lorsqu’on apprend qu’un ancien préfet de police s’est vu arracher le portable en plein jour, dans un endroit des plus huppés de la ville. Un préfet de police ! Tout de même, les voleurs n’ont plus froid aux yeux. Ils vont là où on ne les attend pas. Là où on se sent, à tort, en sécurité. Sans parler de ces zones de non droit où même la police ne va pas. L’ancienne médina est un cas flagrant. Les dealers de karkoubi et d’autres drogues dures sont bel et bien connus. Personne ne les inquiète. Les rixes, les bagarres, les agressions sont des phénomènes quotidiens, chacun en a eu sa part. Une jeune femme vit seule dans une sorte de baraque construite sur le toit d’une ancienne maison, avec un enfant de 5 ans. Son père est en prison pour avoir tué son frère. Elle vit d’expédients et fait l’affaire des jeunes délinquants qui abusent d’elle. Il ne faut pas être une femme seule dans les parages. L’ancienne médina a vécu dans l’anarchie la plus totale depuis des années. Et ce n’est que dernièrement qu’on a installé un poste de police où on peut voir un ou deux agents. Mais le poste n’a été créé que depuis que des cafés et des restaurants prestigieux ont ouvert. Normal, il y a plus de touristes qui s’aventurent dans les ruelles mal entretenues et mal éclairées la nuit. Souvent ce sont des clients pour les dealers de la zone. Mais l’ancienne médina n’est pas seule dans ce cas. Lissasfa, Sidi Moumen, Sbata, Bernoussi, Derb Soltane, sont autant de zones à risque où l’autorité de la loi n’est pas visible. Même la circulation y est livrée au bon vouloir des automobilistes, des charretiers, des motocyclistes… Comment veut-on que les citoyens apprennent la citoyenneté alors qu’il n’existe pas de signes de celle-ci. Pas de passages piétons, pas de signalisation, ni verticale ni horizontale. Et bien sûr une telle négligence crée des problèmes entre les usagers qui ont tout le loisir de régler leurs différends entre eux. La sécurité est certes une question de police, mais le fond du problème ne peut être traité que plus en amont, au niveau des collectivités locales. La responsabilité est grande pour celui qui a décidé de construire le quartier Lissasfa, devenu aujourd’hui une des zones les plus dangereuses, s’insurge un élu. Même chose pour Salmia dans le quartier Sbata ou dans le quartier Anassi. On construit de très grands blocs de pierre où s’entassent des milliers de citoyens dans une dangereuse promiscuité. Cela crée des conflits et, avec le chômage, chacun se débrouille comme il peut. Résultat : chaque année, le crime augmente.

La sécurité, un droit humain

L’insécurité est d’abord un sentiment. Tous les observateurs le reconnaissent. Or, à Casablanca, dans tous les milieux, le sentiment d’insécurité augmente. Les chiffres eux ne sont pas aussi alarmants. A la nuance près que le citoyen n’a pas l’habitude de porter plainte, ce qui diminue le nombre de délits enregistrés.

Les professionnels notent que c’est la délinquance de proximité (agressions, vols à l’arraché…) qui augmente le plus vite. Ce sont les délits sur les personnes qui alimentent le sentiment d’insécurité. La plupart sont le fait de drogués incontrôlables, violents à l’extrême et récidivant de manière automatique. C’est un état de fait qu’il ne sert à rien de nier et que personne ne nie, même si la communication officielle tend à minimiser le phénomène. Les amateurs de sorties livresques peuvent théoriser sur la prévention, les problèmes sociaux, le chômage, la marginalisation, il n’en demeure pas moins que la réponse répressive s’impose. La répression, c’est la police, avant d’être du ressort de la Justice. Les efforts fournis par les policiers sont aux limites de l’humain. Ils travaillent avec des horaires impossibles. Ceux qui sont sur le terrain mettent réellement leur vie en jeu à chaque intervention, parce que les délinquants sont violents, y compris face à la police, et tout cela pour des salaires peu en rapport avec les aléas du métier.

Le salaire n’est pas le seul handicap. Tout le contexte matériel laisse à désirer. Les locaux sont souvent vétustes, le matériel roulant insuffisant, les dotations en hydrocarbures livrées au compte-gouttes et surtout les effectifs sont faibles.

Il y a 3 fois moins de policiers par habitant à Casablanca qu’à Paris et pourtant c’est sur l’insécurité que Sarkozy avait mené campagne. Il faut que la modernisation de la police devienne une priorité et que le budget nécessaire soit alloué, sans chicanerie. La sécurité est le premier des droits, il est prioritaire par rapport aux sports par exemple. Un tel discours n’est pas soutenu par la classe politique, engluée dans le passé, oubliant que dans un Etat de droit, la police protège les citoyens et représente le monopole de la force, qui doit rester à la loi. Par ailleurs, les juridictions submergées se montrent laxistes vis-à-vis de délits considérés comme “petits”. Souvent des voleurs à la tire relaxés passent à la vitesse supérieure et deviennent des délinquants endurcis. La répression est nécessaire mais elle n’est pas la panacée. Il faudra combattre à la source la drogue, le mal être de ces jeunes laissés-pour-compte de la croissance. Mais c’est là un autre débat.

Attention citoyens, danger

H. A

Dans la rue, un jeune vend des gadgets. Rien d’extraordinaire, sauf que ces gadgets sont des massues en bois bien décorées. Il les propose aux automobilistes à 10 DH et elles trouvent preneur. Les chauffeurs de taxis sont les plus friands de cette marchandise et d’autres nécessaires aux voitures. Pourquoi ce commerce marche si bien ? Car il marche atteste le marchand. «Chaque jour, j’en vends deux ou trois, parfois plus». Et il n’est pas le seul. Pour lui, l’insécurité dans les boulevards et dans les rues est un argument solide de vente. Parfois, dit notre contact, on n’a même pas besoin de trop parler, le client nous voit et s’arrête de lui-même. Ce n’est qu’un des aspects nombreux de l’insécurité à Casablanca, mais aussi dans les autres villes. M.C, 67 ans, s’insurge contre ce laisser-aller. «Il y a juste un mois, on m’a volé mon portable devant une agence bancaire». Les délinquants sont de plus en plus osés. «Je marchais sur le trottoir près du rond-point Mers Sultan, il y avait du monde et le coin n’était pas particulièrement dangereux. Je tenais mon portable en main dans une pochette. Tout à coup une main rapide a frappé la mienne et j’ai vu mon portable voler quelques mètres plus loin. Le voleur, un jeune qui ne doit pas avoir plus de 18 ans a été plus rapide. Il a ramassé l’appareil et a couru pour monter sur le siège arrière d’une moto qui attendait à côté». Voilà toute l’affaire. Les deux délinquants ont pris la fuite, le malheureux a beau crier au voleur, personne n’a réagi déplore-t-il. Il a néanmoins fini par concéder que la rapidité avec laquelle l’opération s’est déroulée a pris de court tout le monde, y compris lui-même. L’histoire a eu lieu dans un endroit très fréquenté, à deux pas du grand magasin Alpha 55. Le consulat de France est juste à côté avec la Chambre française de commerce. Dans les environs, ont compte aussi le tribunal de première instance et… la Wilaya du Grand Casablanca. Peut-on trouver endroit plus sûr ? Certainement pas. Rien n’est plus sûr à Casablanca affirme par contre le tenancier d’un bar à côté de la gare Casa-voyageurs. «Ici, dit-il, il s’en passe des choses et j’en ai vu de graves». Il se souvient plus particulièrement de ce jour où un médecin s’était fait agresser par un jeune délinquant qui en voulait à son portable. Ayant voulu se défendre, le sexagénaire a reçu un coup de couteau qui lui a été fatal. Là aussi la scène s’est déroulée sur le trottoir de la commune urbaine des Roches noires. Devant une direction régionale des impôts, à côté du siège social de la Caisse nationale de sécurité sociale. La police a vite su que l’assassin venait de quitter la prison la veille. Un récidiviste. S’il n’était pas sorti ou s’il était suivi par un programme d’insertion, peut-être que le médecin serait encore aujourd’hui en train de consulter. La police était bien présente ce jour là. Les policiers à moto, ces fameux «Aigles» ont été rapides et ont même dû risquer leur vie puisque le délinquant les menaçait avec le même couteau qui a tué le médecin. Mais combien de cas non traités ? Combien de morts et d’agressions impunies ? Devant la faiblesse des moyens de la police, les citoyens prennent parfois les choses en main. Nous sommes en décembre 2008, dans un boulevard de Sbata, à un moment de grande affluence. Une jeune fille marchait tranquillement, et d’un coup rapide, deux jeunes à moto lui ont arraché son sac, la jetant à terre. Le conducteur a accéléré mais les voix des citoyens ont donné l’alerte très rapidement.

Course poursuite

D’autres jeunes ont couru après la moto qui a été fauchée plus loin par d’autres volontaires. Les deux voleurs sont tombés et tous les bras se sont abattus sur eux. Les volontaires les ont bien arrangés, avant de les livrer à la police. Des histoires comme celles-ci on en entend chaque jour. En voilà une autre que raconte un cadre du privé : «un jour j’étais au feu rouge entrain d’attendre le passage au vert sur le boulevard des Oulad Ziane juste devant la gare routière. J’ai entendu quelqu’un frapper à la vitre arrière droite. Je me suis retourné pour voir de quoi il s’agissait croyant naïvement que c’était un marchand de quelque produit, au même moment, comme l’éclair, quelqu’un a ouvert ma portière et a voulu prendre mon portable. J’ai eu juste le temps de le repousser et le conducteur de la voiture qui me suivait les a fait fuir par ses coups d’avertisseurs. J’ai vraiment eu chaud ce jour là». Que peuvent les citoyens devant tant de dangers ? «La seule chose qu’on puisse faire c’est de donner au voleur ce qu’il veut» dit,un brin philosophe, une femme venue au commissariat déposer une plainte pour agression. Elle avait le cou lacéré car un jeune de 20 ans a essayé de lui arracher son pendentif. Elle en a gardé un douloureux souvenir aussi bien physique que moral. Alors ? Les Casablancais sont-ils plus heureux ? Assurément pas martèle Majid M, cadre d’une agence bancaire. «Nous sommes toujours sur le qui-vive et nous savons qu’un jour ce sera peut-être notre tour». Pour dire que le lieu de travail n’est plus aussi sûr qu’auparavant. Les braquages de banques sont plus fréquents et plus dangereux pour les employés. On en connaît beaucoup, mais ceux que la police arrive à déjouer restent dans l’ombre. Une affaire très récente mérite qu’on en parle. Les services de police ont eu vent d’une attaque sur une agence bancaire au quartier la Gironde. Notre source n’a pas voulu en dire plus sur les circonstances de l’information, secret bien policier. Au jour J, tout a été mis en place. Les agents de la police, dont certains étaient venus de Rabat ont pris la place des agents de la banque, substitution salutaire puisqu’elle allait sauver peut-être des vies. Ce que ne savaient pas par contre les policiers c’est que les braqueurs allaient venir avec une arme encore plus dissuasive que les armes blanches ou les même les armes à feu. Ils ont amené des pitt bulls. Mais la surprise n’a pas duré, les policiers ont neutralisé les bêtes et arrêté les voleurs. Affaire classée. Preuve que la parade à l’insécurité commence par le renseignement. Un policier en est convaincu et estime qu’il est facile parfois de prévenir. Exemple, dit-il, les motos gonflées. On peut très bien savoir qui effectue cette opération et au profit de qui. Rien qu’au bruit du moteur, on devrait savoir si la moto a été ou non préparée. Mais là aussi, il faut dire que les agents de la circulation n’ont pas assez de temps pour s’occuper d’autre chose que la circulation. Puisque les effectifs de la police ne sont pas suffisants, le ministère de l’Intérieur a pensé à mieux employer les forces dont il dispose. D’où le redéploiement des forces auxiliaires. Chaque arrondissement aura son contingent et chaque groupe sera équipé en conséquence. La mission qui a été confiée à Hamidou Laanigri, le patron des forces auxiliaires c’est délicate. Si elle réussit, la sécurité des casablancais sera meilleure. D’ici là…

La police manque de bras

Salaheddine lemaizi

L’argent est le nerf de la guerre. En 2008, le budget de l’Etat avait consacré la coquette somme de 45 milliards de dirhams à la sécurité, soit une progression de 29% par rapport à 2007. L’année passée, la sécurité se plaçait tout juste derrière l’Education à qui la loi de finances avait réservé 35% du total des dépenses. Le ministère de l’Intérieur suit avec 20 %, devant ceux de la Santé (7%), des Finances (1,5%) et de la Justice (1%). La loi de finances 2009 consacre à la sécurité publique un budget du même montant.

Malgré cet effort financier considérable de la part de l’Etat nos commissariats manquent encore de tout, ou presque. Des choses basiques comme des chaises, des bureaux, des lignes téléphoniques fonctionnelles (pour éviter des standards qui sonnent toujours occupé), des ordinateurs, toutes ces choses font défaut aux commissariats. Inutile de parler des voitures d’interventions et autres équipements vitaux pour la sécurité publique. Cette réalité est observable à l’œil nu, il suffit de visiter nos commissariats. Certes certains arrondissements, surtout à Casa Anfa, commencent à être équipés par exemple avec des ordinateurs, un outil banal de travail mais encore considéré futuriste dans les locaux froids de nos commissariats.

Depuis 2007, les hausses conséquentes du budget de la sécurité (les plus fortes de tous les secteurs) ont plus servi à l’acquisition de voitures de patrouille munies d’ordinateurs capables de lire les CIN biométriques ainsi qu’à l’achat de divers matériels roulants et d’outils anti-subversion. D’ailleurs, en 2005, un fonds spécial de 210 millions de dirhams a été réservé à la mise en place de la CIN et du passeport biométriques.

Paradoxe : notre policier pauvre est en même temps high-tech… Mais pas seulement, malgré les apparences, le Maroc manque de policiers pour couvrir les villes d’une manière efficace et préserver la sécurité des personnes et des biens. Des chiffres publiés récemment vont dans ce sens. Pour le ratio policier/habitant, on compte 1 policier pour 750 habitants au Maroc contre 1 policier pour 302 habitants en Algérie et 1 policier pour 73 habitants en Tunisie qui est ainsi le pays le plus policé du Maghreb.

Déficit

Le sous-effectif de la police sera compensé par les hommes de Lâânigri. Le Maroc dispose de quelque 45.000 agents des Forces auxiliaires qui épaulent les 40.000 policiers dans les villes. Depuis deux semaines «les moukhaznis» sont désormais armés. Hors des villes, ce sont les gendarmes qui veillent sur la sécurité des douars et autres petits patelins, mais ceci est une autre histoire…

La fameuse opération des départs volontaires n’a pas arrangé les choses. Le «DVD» a laissé partir beaucoup de bons éléments et a exacerbé le problème de manque d’effectif. Prenons l’exemple de la Brigade nationale de la police judicaire (BNPJ). Ce service névralgique a connu une hémorragie au niveau des compétences. Des enquêteurs et des rédacteurs experimentés ont rendu l’uniforme. Aujourd’hui, nombreux sont les anciens de la PJ qui travaillent dans des sociétés de sécurité privées ou qui ont monté leurs propres entreprises de sécurité. Cette fuite des compétences nuit à un service classé 4e au monde dans les affaires solutionnées.

Le manque de moyens matériels et humains se fait sentir également au niveau des réseaux d’informateurs sur lesquels se base la police depuis toujours au Maroc. C’est un secret de polichinelle, la police c’est l’information. Pas de moyens, pas d’informations, en d’autres termes si l’informateur n’a pas d’argent, il n’a pas intér-et à collaborer avec la police. Cette situation complique la lutte contre le crime.

Sous-équipement

Les conditions de travail difficiles des policiers des différents services reviennent souvent pour expliquer l’insécurité. Si la police souffre d’un sous-équipement et d’un sous-effectif, ceci se fait sentir sur les horaires de travail marathoniens des policiers. Les trois périodes de service normales que sont 7h-13h, 13h-21h, et 21h-7h sont transformées en deux périodes de plus de douze heures de travail non-stop et des permanences plus longues. Les policiers sont sous pression. De facto, le rendement baisse et les crimes se multiplient sans trouver la réponse sécuritaire adéquate.

Enfin, malgré plusieurs efforts, on est encore loin d’une réelle revalorisation des soldes. Cette carence justifie tous les abus. Là aussi, le constat est consommé : la corruption est un modus vivendi de ce corps. L’image du policier à qui «on jette» 20 ou 50 DH est dans tous les esprits. Des comportements dont on dit que le policier n’a pas vraiment le choix, avec son salaire de misère, mais qui érode l’estime du policier et de son institution dans la société. Le triste épisode de l’affaire Yacoubi est une preuve désolante d’une police qu’on ne respecte plus.

Casa, ville rebelle

sabel da costa

La peur est quasiment instinctive à Casablanca: peur de se faire agresser, de se faire cambrioler ou alors (moindre mal) peur de subir les affres d’une circulation anarchique. «Casablanca est tombée entre les mains de fous, et de délinquants». Les propos de ce chauffeur de taxi apparenteraient presque la ville aux bas fonds de New York, où règne un climat similaire. «Ce que je peux vous dire c’est que les vrais Casaouis ne se comporteront jamais de la sorte, ce sont les gens en provenance d’autres régions qui, une fois installés ici, s’adonnent aux vices et à la commission d’infractions ». Convaincu de son raisonnement, le conducteur ne semble pas remettre en question le rôle ou la réactivité des forces publiques. Pourtant la vraie cause de tout ceci reste principalement liée à l’étendue de la ville, à sa forte population et encore une fois aux écarts sociaux qui choquent plus que jamais. A petite ou grande échelle, les gens sont comme qui dirait pris par une sorte de folie, les poussant trop souvent à outrepasser leurs droits et à bafouer les règles aux dépens des autres, ce qui vaut à Casablanca sa réputation sulfureuse. Autre chose, lorsqu’il s’agit de leur sécurité, les citoyens ne sont pas tous logés à la même enseigne, non pas que la police refuse son aide aux uns ou aux autres, mais cette dernière paraît bien trop dépassée par les évènements pour pouvoir assurer pleinement sa mission. La problématique reste assez gênante pour les forces de l’ordre, car elle témoigne d’une perte de vitesse dans la lutte contre la criminalité. Et quelle criminalité ! Selon une source policière, le nombre d’infractions sur les personnes et les biens (agressions à l’arme blanche, crime de sang, vol à l’arraché, vol de voiture, etc.) varie entre 150 et 300 cas par jour, rien que dans la commune de Casa-Anfa. Cette dernière est pourtant l’une des mieux encadrées. Quid des localités «pop » et des banlieues chaudes dont se plaignent incessamment les habitants ? Une expression vient à l’esprit pour illustrer la toile : «Zone de non droit». Des localités où se passent les pires scénarios, parfois en plein jour! Les mots sont pesés. «Dans mon quartier, le mot police n’évoque rien pour les fauteurs de troubles» Houda, une étudiante de 22 ans habitant Nassim, ne cache pas son angoisse quant à la situation. «Il y a de cela 1 mois et demi, je me suis fait accoster dans une ruelle par deux jeunes hommes sur une mobylette qui avaient l’air d’étudiants. L’un deux est descendu de l’engin et a pointé un couteau sous mon nez. Il s’est emparé de mon sac et m’a recommandé de me taire si je tenais à mon visage. Mon sac en main, il est remonté et ils sont tous les deux repartis. Le tout aura duré moins d’une minute. Ni vu ni connu à 5 h de l’après midi. Je vis avec une peur constante que ça recommence. Ce n’est pas impossible et personne n’est vraiment à l’abri». De pareils épisodes sont presque devenus une banalité, et très souvent la victime s’estime heureuse de ne pas avoir subi de dommages physiques… Pourtant, toujours selon la même source, une certaine amélioration a été constatée de 2007 à 2008 avec l’arrivée de Soukkours (motards), faisant passer les vols à l’arraché d’une moyenne de 15 à 20 par jour à une moyenne de 5 à 10. On reste néanmoins perplexes, dans la mesure où les citoyens, eux, ne ressentent pas vraiment cette évolution. Les mesures de prophylaxie recommandées (l’éclairage des rues et des terrains vagues) restent encore à l’état embryonnaire dans beaucoup de quartiers. Là encore très peu de commentaires de la part des personnes interrogées qui se contentent de rejeter la faute sur d’autres services ou d’autres départements. Ce sont surtout les principaux concernés qui parlent ouvertement, à savoir les habitants des secteurs à risque, qui ne conçoivent pas un tel déséquilibre dans la répartition des patrouilles et l’organisation des rondes de contrôle. «Je paye un impôt sur chaque bouchée de pain que je mets dans ma bouche ou celles de mes enfants, quand il s’agit de notre sécurité en revanche les choses sont beaucoup moins tranchées» proteste cet épicier de l’ancienne Médina. Fès reste de loin plus redoutable que Casablanca affirme-t-on parfois comme pour calmer le jeu et surtout l’indignation des Casablancais, sans réellement se rendre compte que toute comparaison est vaine lorsqu’il s’agit de la peur des gens.