Hossein Tallal, une étrange fraîcheur

De son propre aveu, Hossein Tallal a toujours dessiné, instinctivement, «des portraits imaginaires, comme aujourd’hui». Vers ses dix-huit ans, il fréquente assidûment un jeune couple de Français dont la femme est professeur de dessin : «C’est avec elle que j’ai appris à travailler ».

Dans la première partie des années 60, Hossein Tallal participe à plusieurs expositions collectives telles le Salon d’hiver de Marrakech dont il remporte le grand prix. «A ma grande surprise ! », se souvient-il. «C’était un salon important auquel participaient tous les peintres européens installés au Maroc. Nous n’étions que trois Marocains : Hassan El Glaoui, Tayeb Lahlou et moi».

Mais la vraie chance de Hossein Tallal fut sa rencontre avec feu Ahmed Cherkaoui, l’artiste marocain alors le plus en vogue, un pionnier. Ce dernier l’invite à Paris et l’introduit dans les milieux artistiques les plus influents de l’époque. La première exposition personnelle de Tallal a pour cadre la Galerie la Roue à Paris. Voici ce qu’en écrit le critique d’art Jean Bouret dans «Les Lettres françaises » : «Hossein Tallal est l’un des meilleurs peintres marocains qui soient (…) Les tableaux réunis ici sont d’une étrange beauté. Je ne sais pourquoi, ils me font penser à William Blake. Mais c’est ainsi et je n’y peux rien». Nous sommes au printemps 1967 et l’artiste n’a que vingt-cinq ans. Que s’est-il passé depuis ? Pourquoi le talent de celui qu’Alain Flamand, auteur du premier ouvrage consacré à la peinture marocaine, décrivait comme «l’un des deux ou trois grands artistes marocains vivants», est-il resté si méconnu du grand public ?

Tallal faisait – fait encore – ce qu’on appelle de la «nouvelle figuration» au moment où l’idéologie dominante du Maroc post-indépendant voulait que l’on fasse de l’abstraction, du signe et autre retour aux sources d’on ne sait quelle esthétique arabo-berbère. Artistiquement incorrect, Tallal s’est retrouvé, surtout après le décès précoce de son ami et mentor Cherkaoui, isolé du sérail. Mais surtout, il y eut le phénomène Chaïbia ! Du jour au lendemain, Tallal ne s’est plus occupé que de la promotion et de la diffusion de l’œuvre de sa génitrice. Les années 70 et 80 furent pour l’homme, «le dandy noctambule» selon une formule de Farid Belkahia, des années de vie mondaine très intense. L’atelier-loft de l’artiste ne désemplissait pas : vedettes nationales et internationales (John Houston, Francis Blanche, Claude Brialy …), collectionneurs de tous pays, hôtesses de l’air et femmes du monde…, tous se devaient d’y prendre l’apéro et/ou d’y diner. Le temps a passé. Chaïbia est partie. Hossein Tallal a changé. Pas sa peinture qui, par une ironie du sort, se retrouve aujourd’hui plus actuelle que jamais, alors que tant d’expériences marocaines jugées jadis avant-gardistes nous semblent maintenant terriblement datées.