Le Canard et Hara qui rient

Deux poids lourds du dessin féroce. Et des signatures des plus cinglantes. Le premier, «Le canard enchaîné» – pas encore remis des révélations du «Vrai canard», le livre des journalistes Laske et Valdiguié -, publie 2000 dessins parmi les 75.000 parus dans l’hebdomadaire en cinquante ans. Du 13 mai 1958, jour du retour de De Gaulle au pouvoir, au 8 mai 2008, un an après l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée. Sur les 650 pages du pavé, trois cents faits d’actualité française et internationale sont mitraillés par les planches redoutables de caricaturistes morts ou encore vivants : Moisan, Escaro, Cardon, Cabu, Pancho, Wozniak, Lefred-Thouron… «Le canard enchaîné, 50 ans de dessins», c’est aussi cinquante textes fraîchement écrits sur les plus grandes affaires qui ont marqué cette période.

Râleurs inconsolables

Le deuxième recueil – la moitié de la pagination du premier -, «Hara Kiri, les belles images», retrace par ses coups de gueule les quarante-huit ans du mensuel. Ici, le ton est différent, assassin, grossier, «bête et méchant». Dans sa présentation, François Cavanna, co-fondateur et un habitué de la Chambre correctionnelle de Paris à l’époque, raconte : «En allant plus loin, on démasquait l’hypocrisie qui nous révoltait». Ces agités du bocal s’appellent Cavanna, Reiser, Wolinski, Choron (Georges Bernier dit Professeur), Gébé, Topor, Fred, Delfeil de Ton… Ils sont sporadiquement rejoints par Serge Gainsbourg, Coluche, Pierre Perret, Carlos… La marque de fabrique de ces râleurs inconsolables est de faire plus horrible que l’horreur ambiante. Et ça n’épargne rien et personne : la publicité bien sûr, la religion, les vieux, la morale. L’un dans l’autre, c’est un heureux télescopage pour se souhaiter bonne année.