Une fois encore, une fois de plus, la classe politique laisse échapper une occasion pour débattre d’un sujet aussi important que vital pour le pays : la régionalisation. C’était au lendemain du discours royal ŕ Laâyoune et dans lequel le Souverain annonça le projet du nouveau statut en faveur des provinces sahariennes.
Au cours de la campagne électorale, aucune trace d’un débat productif n’a été enregistré sur la scčne. Cela aurait pu constituer, juste aprčs les deux rounds de négociations de Manhasset, un apport d’appoint ŕ l’évolution tant attendue des choses.
Hormis quelques commentaires de circonstance et des manifestations publiques aussi coűteuses qu’inutiles, et dont seuls les chapelles politiques locales ont le secret, il n’y a rien eu de consistant qui puisse devenir une contribution sérieuse ŕ la suggestion du Roi.
Disons-le clairement au risque de déplaire : il ne suffit pas d’ériger des slogans et prétendre oeuvrer ŕ la consolidation de l’intégrité territoriale du Royaume. Ces postures ne nous feraient pas éviter la spirale du renoncement et de l’abaissement. Bien au contraire, elles nous offrent une route toute tracée vers Canossa. Posons-nous simplement cette question : cette démobilisation est-elle raisonnable dans un pays d’une part écrasé par les adversités d’ordre économique et social et d’autre part pris sous la pression d’un voisinage d’autant plus hostile qu’une conjoncture historiquement favorable lui permet d’escamoter ses bętises gestionnaires ŕ coups de milliards de dollars grâce ŕ la rente pétroličre? Demandons-nous aussi jusqu’ŕ quand nos voisins espagnols continueront ŕ souffler sur les braises sans tirer de véritables leçons du 11 mars 2004 ? N’est-ce pas que si le Maroc avait consacré ses dépenses militaires au Sahara ŕ l’éducation de ses enfants égarés du nord, le drame d’Attocha aurait pu ętre évité ?
Les partis, bien sűr, longtemps écartés de la gestion directe du dossier, ont développé des attitudes si déliquescentes qu’ils ne savent réagir que par la langue de bois pour marquer leur présence. Or, ŕ présent, il leur est possible de trouver lŕ un moyen qui leur permet de redresser la tęte faute d’avoir été autorisés ŕ le faire sous l’čre du monarque défunt qui n’avait pas hésité ŕ jeter en prison Abderrahim Bouabid et ses camarades pour avoir osé dire non au référendum au Sahara.
Ils peuvent, bien au-delŕ de ces contingences, avoir voix au chapitre pour formuler des propositions réalistes et un programme convaincant. Sans tomber dans la supercherie des surenchčres : genre multiplication des régions candidates ŕ l’autonomie ou assortir le nouveau statut du Sahara ŕ des conditions impossibles ŕ satisfaire.
Khali Henna Ould Rachid, président du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes, avait exprimé, dčs la naissance de cette entité, dans l’émission ŤHiwarť, les raisons d’un tel blocage et pourquoi il dure depuis si longtemps en plombant l’ensemble des acteurs intervenant dans ce dossier. C’est l’absence, a-t-il déploré, d’un vrai projet marocain pour résoudre le problčme qui est d’abord, a-t-il précisé, Ťun différend maroco-marocainť. Voilŕ une approche novatrice d’une question jusqu’ici traitée par un monde coupable – ŕ ses yeux et ŕ juste titre – d’ignorer la réalité d’un conflit et de ne se préoccuper que de réchauffer leur petite soupe politique sur le fourneau d’une crise qui perdure. De la réconciliation maroco marocaine, ils se moquent. Mais, au fond, le plus coupable de tous, dans cette affaire, est l’intervenant qui fait montre de méconnaissance du dossier doublée d’arrogance aveugle.
Refusant d’écouter l’ensemble des acteurs de la scčne, balayant toute idée de concertation préalable avec les populations concernées, incapable d’obtenir un réel diagnostic des choses tant les intermédiaires sont multiples et intéressés, l’ancien pouvoir a réussi le tour de force de transformer les adeptes d’une totale marocanité du Sahara en séparatistes convaincus. Conscient du fossé générationnel qui se creusait entre les propres fils du Sahara, Mohammed VI a émis un signal fort envers la jeunesse de ces contrées, en leur signifiant que la nouvelle čre n’était pas enfermée dans une bulle et qu’elle est parfaitement consciente des tendances lourdes de l’époque. Aux partis politiques d’emboîter le pas au Roi et de s’inscrire dans ce processus vertueux. Il n’est pas trop tard pour bien faire. D’autant plus que l’affaire, aujourd’hui en phase de résolution, s’expose aux interférences des puissances tutrices qui soufflent au Polisario des positions radicales comme Ť la reprise des hostilités ť et autres fadaises.
A nos hommes politiques de donner la parade ŕ ces délires, non en optant pour la surenchčre et l’escalade mais en introduisant un débat serein, responsable et porteur d’alternatives évolutives.
De toutes les façons, une guerre maroco-algérienne, par Polisario interposé, n’aura peut-ętre jamais lieu.