Scénario catastrophe prévisible ou politique-fiction improbable. L’éventuel retrait de l’USFP de la coalition gouvernementale interpelle les observateurs, angoisse Abbas El Fassi et préoccupe le Palais. Car si jamais, les socialistes venaient à quitter le gouvernement, ils mettront fin à une expérience qui a duré toute une décennie et qui a vu l’opposition historique se mettre finalement au service de la monarchie.
La sentence qui devrait en principe tomber à la fin de la deuxième manche du 8e congrès qui aura lieu le 7, 8 et 9 novembre à Skhirat changera beaucoup de choses pour ne pas dire qu’elle participera à la redistribution des cartes sur la scène politique nationale. Plusieurs signes annonciateurs font état du malaise dans lequel se trouve le parti de feu Abderrahim Bouabid par rapport à sa participation gouvernementale. Il y a un mois, Ahmed Chami, le ministre socialiste le moins suspecté de radicalisme, faisait savoir que si son parti décidait de claquer la porte de l’équipe dirigée par Abbas El Fassi, il rendrait illico presto son tablier.
Ennemis d’hier. Driss Lachgar, dirigeant autrement plus virulent, ne manque aucune occasion pour appeler à une alliance conjoncturelle avec le PJD, irréductible ennemi d’hier, allant même jusqu’à préconiser un front pour la défense de la démocratie. Une sorte de Koutla Lampe-Rose.
Et comme si cela ne suffisait pas, Mohamed El Yazghi, vieux politique roublard qui mesure bien ses mots, choisit le solennel conseil de gouvernement pour porter indirectement le débat sur les prérogatives royales. Et la presse USFP n’est pas en reste. Elle retrouve subitement des relents d’opposition radicale en appelant à revoir «le contrat politique» qui lie le mouvement national, ou ce qu’il en reste, à la monarchie.
Il faut dire que cette flopée d’indices n’est que la partie visible de l’iceberg. Depuis la constitution du gouvernement d’Abbas El Fassi il y a une année, la base gronde, mécontente de la représentation socialiste et du rôle de simple force d’appoint que joue désormais leur parti. Et pour ne rien arranger, les militants mettent les difficultés organisationnelles qui minent l’USFP sur le dos de la participation gouvernementale. Il n’est pas rare d’ailleurs d’entendre les usfpéistes clamer haut et fort que leur parti a payé de sa cohésion et de sa popularité le soutien sans faille qu’il a prodigué aux différentes politiques menées par l’Etat. Sentiment aujourd’hui largement partagée par beaucoup de dirigeants de premier rang du parti de la Rose.
Face à cette déferlante dissidente, certaines voix, dont principalement celle de Abdelouahed Radi, ministre de la Justice et candidat déclaré au poste de Premier secrétaire de l’USFP, tentent de relativiser les penchants qu’a la base à réintégrer l’opposition. Cependant, d’après un ancien membre du bureau politique, si le congrès du parti se déroule normalement «Radi va être balayé ainsi que ceux qui pousseront vers le statu quo. La base sait que l’USFP a tout à gagner d’un retour à l’opposition».
Déviations sociétales. Cette analyse rejoint celle faite par des politologues qui estiment que le Maroc vit depuis 1998 sans partis d’opposition. A leurs yeux, le PJD a failli dans ce rôle : «les islamistes légaux s’opposent principalement à une partie de la société. Leurs diatribes au sein de l’enceinte du parlement sont la plupart du temps dirigées contre les déviations sociétales. Les Marocains veulent retrouver une opposition plus politisée et plus aguerrie». Un vœu qui sera peut-être entendu par les congressistes de l’USFP. Rendez-vous le 9 novembre prochain.