De la centralité de l’USFP

On ne peut être démocrate et souhaiter autre chose que la réussite de la seconde mi-temps du congrès de l’USFP et ce quelle que soit notre position vis-à-vis de ce parti.

Longtemps l’USFP a représenté les aspirations de larges couches populaires en termes d’équilibre institutionnel et surtout de redistribution sociale. C’est surtout ce parti qui a crédibilisé le processus démocratique. D’abord en acceptant d’intégrer les institutions et d’y rester malgré la falsification, ensuite pour le deal de l’alternance consensuelle. Si l’on parle aujourd’hui de transition démocratique, c’est parce que l’USFP a joué le jeu en 1998. C’est essentiellement cet acte fondateur, et paradoxalement, que le Tihad paye au prix fort. Les vicissitudes de la vie politique ont fait que l’USFP est le grand perdant d’un processus dont il a été l’acteur principal !

Les militants et les cadres sont en perte de repères. Les questions qu’ils se posent relèvent de l’existentiel. Mohamed Guessous, dirigeant respecté et fort respectable, les résume en quatre axes :

• L’identité socialiste.

• l’évaluation de ‘’la transition’’ et du travail gouvernemental ;

• les reformes politique et constitutionnelles nécessaires ;

• La question des alliances.

Vaste programme, qui signifie la remise à plat, mais qui reflète surtout la profondeur de la crise qui secoue le parti de Bouabid.

El Himma en accélérateur

Cette crise est endogène et couve depuis le sixième congrès de l’USFP et le refus des directions de toute évaluation critique des accords ayant présidé à l’alternance consensuelle. Le parti a désorienté ses bases et perdu de son aura, car rendu responsable de la lenteur de la transition, mais aussi des déficits sociaux.

C’est sur ce panorama qu’est venue se greffer l’initiative de Fouad Ali El Himma, vécue comme une machine de guerre contre l’USFP ou, pire, comme un retour en arrière.

D’ailleurs, cet élément exogène est souvent utilisé pour masquer les réponses aux vraies questions. De la même manière, les militants en focalisant, majoritairement, sur le retrait du gouvernement détournent le congrès des questions lancinantes que propose le sociologue Mohamed Guessous.

L’USFP ira probablement à l’opposition. Les conséquences seront importantes. D’abord pour le gouvernement en place, qui sera totalement dépendant du groupe d’El Himma et qui devra donc en tirer les conséquences.

A la limite, ce qui est conjoncturel n’est pas d’une grande importance. Structurellement, l’USFP dans l’opposition cela signifie la mort de la Koutla et la nécessité de nouvelles alliances.

L’alliance avec les islamistes du PJD est écartée par tous les candidats au poste de premier secrétaire et par une majorité de militants. L’alternative c’est la constitution d’un pôle de gauche crédible, qui ne peut que s’appuyer sur des mouvements de contestation à la fois politiques et sociaux.

Quel que soit le choix des dirigeants, c’est ce qui se passera à l’intérieur de la société qui commandera.

L’espoir demeure que la tentation populiste ne l’emportera pas et les cadres de l’USFP ont montré dans cette crise qu’ils sont aguerris de ce point de vue. C’est dans cette perspective que l’USFP paraît encore plus nécessaire au jeu politique aujourd’hui qu’hier : il est le rempart contre toutes les dérives extrémistes. Ce rempart n’est utile que s’il est fort, crédible, jouissant d’un réel soutien populaire. Chercher à affaiblir l’USFP aujourd’hui, c’est priver le Maroc d’un moyen de conjurer l’extrémisme en cas d’approfondissement de la crise sociale.

Et le gagnant sera… ?

Mohamed Semlali

Ce sera une bataille homérique, digne de ces affrontements dantesques qui ont fait les légendes et défait les réputations. C’est qu’au sein de l’USFP, rien ne se passe comme dans les autres partis. Telle une œuvre shakespearienne, la vie quotidienne de l’USFP est faite de trahisons assassines, de retournements aléatoires, de drames de famille et de réconciliations impossibles… Du sang, toujours du sang. Depuis toujours, les militants de l’USFP en redemandent. Cette fois-ci, selon les observateurs, ils ne seront pas déçus. Le marbre du luxueux palais des congrès de Skhirat devrait être jonché des cadavres des vaincus qui rejoindront dans le crématoire socialiste, les cendres de Mohamed Sassi, Noubir Amoui, Abdelkrim Benatik et bien d’autres vaillants usfpeistes occis de la main de leurs «amis» ou auto suicidés par leur propres ambitions. Les gladiateurs de l’USFP semblent fin prêts à cet ultime combat dont plusieurs d’entre eux savent qu’il sera le dernier qu’ils livreront. D’où l’acharnement qu’ils vont mettre dans leur propos et l’agressivité qui empreint leur attitude. Allez Messieurs vous pouvez tirer vos épées de leurs fourreaux. Le public attend.

Abdelwahed Radi
Le choix du pire

Ablewahed Radi aura bientôt 74 ans. Un handicap à un moment où la base de l’USFP a envie d’élire une direction rajeunie. Il faut dire aussi que A.Radi n’est plus aussi populaire qu’avant. Les militants le connaissent peu ou ne connaissent de lui que sa face de notable, grand propriétaire terrien dans le Gharb. L’actuel ministre de la Justice a écumé les responsabilités durant les cinquante dernières années. Il est député depuis 1963. Il a également été secrétaire général de l’Union arabo-africaine de 1984 à 1986. Il a été également pendant une décennie président de la Chambre des représentants.

Fathallah Oualalou
L’improbable retour du fils prodige

Dans son combat pour diriger l’USFP, F. Oualalou multiplie les sorties médiatiques et le contact avec les militants. Cependant, dans sa quête de devenir le premier des socialistes, il est lui aussi desservi par l’âge. Oualalou a aujourd’hui 66 ans et il est considéré comme faisant partie de la vieille garde de l’USFP, celle qui a précipité le parti de la rose dans la crise actuelle en adoptant un profil bas par rapport à la monarchie. Aujourd’hui, son discours en faveur des réformes constitutionnelles et d’un retour de l’USFP dans les rangs de l’opposition sonne faux.

Mohamed El Gahs
L’incompris

C’est la principale énigme de ce huitième congrès. L’homme est respecté et aimé par les militants. Il le sait d’ailleurs et se fait désirer. Retiré de la politique active depuis une année, il a fait une brève apparition lors de la première manche du congrès à Bouznika et s’assoit à côté des militants. Il se dit désintéressé par les joutes partisanes.

Habib El Malki
Le makhzen ne paie plus

ll n’aurait pas laissé aux Marocains un souvenir impérissable de ses passages à la tête des ministères de l’Agriculture et de l’Enseignement. De même pour son expérience à la CNJA. C’est que H.Malki a toujours eu la blouse à gauche, mais le portefeuille au Makhzen. Chose que les militants lui ont toujours reprochée, le considérant, à tort ou à raison, comme l’usfpéiste le plus proche de Driss Basri. Depuis qu’il est sorti du gouvernement, ce Boujaâdi de 62 ans a radicalisé son propos n’hésitant pas à appeler à une monarchie parlementaire. Une revendication que l’USFP n’a plus mise en avant depuis plus d’une décennie. Mais l’homme reste un pur produit USFP. Il a fait toutes ses classes au sein de la formation d’Abderrahim Bouabid, même s’il s’est toujours distingué de ses camarades par une ouverture sur le monde des affaires notamment à travers le Centre Marocain de Conjoncture. Les observateurs pensent qu’il a une réelle chance si jamais il s’allie à un autre dirigeant…Les regards se tournent déjà vers Driss Lachgar.

Driss Lachgar
Le serial killer

Au sein du parti, cet avocat Rbati de 54 ans est redouté, respecté et même parfois haï. Certains militants lui reprochent un gout très prononcé pour la manipulation et une forte tendance pour les crocs en jambes. Mohamed El Yazghi, pourtant stratège hors normes, ne voit pas venir le coup que son ancien bras droit orchestre pour l’évincer de la tête du parti. Le disciple a enfin dépassé le maître. Il l’a même enterré… politiquement. D’ailleurs, El Yazghi ne s’en remettra jamais même s’il a essayé de rendre la pareille à Lachgar en menant campagne contre luis lors du dernier congrès. Mais Driss Lacharg s’en sortira très bien. Donné comme fini politiquement, il débarque au congrès de Bouznika et, avec son instinct de guerrier, s’impose à toutes les listes concurrentes et oblige la direction à reporter le congrès et même à abandonner le scrutin de listes. Aujourd’hui, cet apparatchik qui maîtrise les rouages du parti se prépare à une bataille sanglante… tout en sachant que la guerre sera longue.

Entretien

Driss Lachgar, Membre du bureau politique de l’USFP.

«L’USFP risque l’arrêt cardiaque»

propos recueillis par mohamed Semlali

L’Observateur Comptez-vous vous présenter au poste de Premier secrétaire de l’USFP lors de la deuxième manche du 8e congrès ?

Driss Lachgar. Il est vraiment prématuré de déclarer des candidatures au poste de premier secrétaire du parti. Il faut rappeler ce qui s’est passé durant la première partie du congrès à Bouznika. Avant que l’on décide de quelle manière nous allons élire les instances dirigeantes du parti, certains «frères» ont présenté leur candidature de manière précipitée. J’avais déclaré alors que je respecterais la décision des congressistes pour faire réussir le congrès. C’est pour cela que je milite en faveur d’un nouveau projet politique novateur à l’intérieur de l’USFP. L’option politique pour laquelle je m’engage aujourd’hui est celle qui vise la restructuration et la réorganisation du parti sur de nouvelles bases afin de faire revenir les forces populaires au sein de l’USFP pour lui restituer son dynamisme et son prestige d’antan. Il est clair que la réorganisation et le rajeunissement du parti vont participer à l’évolution et la modernisation de l’action de l’USFP. La nouvelle direction qui sera issue du congrès, et que je souhaite jeune, audacieuse et ambitieuse adoptera un nouveau projet politique qui posera clairement la problématique de la crise qu’a connue notre pays après les élections de septembre 2007, et également les incursions que connaît depuis une année le champ politique national. Elle posera aussi comme préalable, la réhabilitation de l’action politique et de l’action partisane. L’objectif étant de rendre confiance aux citoyens dans les institutions, notamment à travers de profondes réformes politiques et constitutionnelles.

Certains dirigeants de l’USFP posent désormais la question de la monarchie parlementaire et celle du retrait du gouvernement. Qu’est ce que vous en pensez ?

La monarchie parlementaire est une construction académique très séduisante. C’est un idéal réalisé dans une société dont les institutions sont fortes et enracinées et qui possède une pratique politique et parlementaire centenaire. Cela dit, dans une société comme la nôtre qui vit encore une transition politique avec des institutions fragiles dont les partis politiques et la société civile, l’exigence d’une monarchie parlementaire, qui est louable par ailleurs, doit réunir les conditions de son application. Or, moi je considère que le pragmatisme politique demande qu’on travaille à partir de notre réalité. C’est pourquoi la réforme constitutionnelle doit se faire sur la base d’un nouveau contrat politique pour faire évoluer les institutions politiques du pays. Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, l’USFP a décidé de participer aux affaires en 1975 quand il a fait le choix de l’option démocratique. La participation, ce n’est pas simplement être dans le gouvernement, mais également jouer son rôle politique que ce soit dans le parlement, les communes, la société civile ou même dans l’opposition. Aujourd’hui, le retrait de l’USFP de l’actuel gouvernement est une demande que partagent beaucoup d’Usfpeistes. La façon avec laquelle le gouvernement Abbas El Fassi, dont la faiblesse est connue de tout le monde, pousse à conforter plusieurs militants du parti dans l’idée que la place de l’USFP est désormais dans l’opposition. Il y a quelques années, feu Hassan II a fait appel à nous en disant que le Maroc risquait «l’arrêt cardiaque». Eh bien, aujourd’hui il faut aider l’USFP. Il faut le laisser vivre sa vie normale parce qu’avec la participation de notre parti à ce gouvernement, il risque lui aussi «l’arrêt cardiaque», ce qui n’est bon pour personne.

Vous avez été spécialement virulent envers Fouad Ali Al Himma après les élections du 7 septembre. Maintenez-vous votre jugement sur l’ami du Roi ?

Je veux vous dire que notre parti a exprimé clairement et fermement, en son temps, sa réprobation des méthodes du «nouveau venu». Le plus important est l’écho qu’a laissé le communiqué du bureau politique qui a dénoncé le phénomène de Fouad Ali Al Himma. Ce communiqué a suscité l’adhésion et des réactions favorables de pratiquement toute la classe politique nationale, notamment contre les effets néfastes de ce phénomène…

Expliquez-nous un peu plus clairement…

L’USFP a été l’un des premiers sinon le premier à tirer la sonnette d’alarme quant aux méfaits du «nouveau venu». Dans un premier lieu que le parti d’Al Himma veuille faire croire à l’opinion publique, notamment lors des élections partielles, qu’il est la formulation de la volonté de l’Etat.

Dans un deuxième temps, après une rentrée parlementaire mouvementée qui a connu une transhumance record, les analyses qui prédisaient que le parti d’Al Himma serait dorénavant incontournable se sont révélées hors de propos.

Au moment où nous parlons, le phénomène Al Himma relève déjà du passé et le fait de l’évoquer est une perte de temps. La preuve, c’est que le «nouveau venu» a toutes les peines du monde à tenir son congrès constitutif prévu initialement pour le mois de novembre.

Vous parlez d’un phénomène qui relève du passé, mais certains usfpeistes invitent Al Himma et travaillent même pour lui.

Ce sujet ne mérite aucun commentaire. Le jour où nous avions senti que l’USFP était visé, et il l’était au départ, nous avons assumé nos responsabilités et nous avons pris les bonnes décisions. Maintenant, le parti de M. El Himma est juste un parti parmi une trentaine qui existent sur la scène politique nationale. Que certains membres de l’USFP l’invitent ou s’invitent à sa table ne nous concerne, en tant que grand parti politique, en rien. Ce qu’il faut savoir, c’est que le militantisme politique demande beaucoup de patience et de sacrifices. Il est facile de dire qu’il est ardu de trouver sa place à l’USFP. La réalité, c’est que nous n’offrons ni sièges luxueux ni fauteuils somptueux.

Vous avez appelé à un contrat politique avec le PJD. Contre qui cette éventuelle alliance est-elle dirigée ?

L’appel à la constitution d’un front pour la défense de la démocratie que j’ai lancé lors d’une émission de télévision est venu en réaction à un constat fait par tous les acteurs du champ politique. Ce constat est qu’on voulait tuer la démocratie marocaine. C’était alors un appel pour sauver cette démocratie. Pourquoi les gens s’offusquent de cet appel ? La littérature de la gauche parle de la création d’un large front national. Le PJD est l’émanation de la société marocaine et il a une existence légale dans les institutions de l’Etat que ce soit au Parlement ou dans les communes. Alors, toute négation ou tout refus de ce parti est une négation et un refus de l’opposition, qui est un mécanisme de la démocratie. Concernant les alliances, je considère normale l’éventualité d’un pacte avec le PJD, un parti qui a pris position comme nous contre le «nouveau venu».

Maintenant, ce sont les socialistes qui décideront, lors du congrès, de leurs alliances. Il faut savoir que nos alliés sont connus : la gauche, la Koutla et la majorité. Mais il ne faut pas oublier que les alliances ne sont pas sacrées. Elles sont un outil d’application du programme du parti dans un moment donné. Les alliances ne sont pas un mariage catholique. Après 18 ans d’existence, vous convenez avec moi que la Koutla n’a plus de remède magique. La Koutla a réalisé plusieurs bonnes choses et à fait avancer plusieurs chantiers cruciaux pour l’avenir du pays.

Concernant l’union de la gauche, il est bizarre qu’à chaque fois que quelqu’un découpe ou mutile l’USFP, il revient pour nous réclamer l’union de la gauche.

Pour moi, cela est une manière de légitimer les scissions.

L’USFP doit bâtir ses alliances sur la base d’un contrat politique avec les partis démocratiques. Si demain le PJD partage notre combat pour des réformes politiques et constitutionnelles, alors pourquoi ne pas envisager une alliance avec lui pour réaliser ces objectifs ? Il faut que les alliances soient désormais rationnelles et pragmatiques.