Ségoléne Royale face ŕ Ť la démocratie participative ť
Ségoléne Royale
Un discours-programme de deux heures et une centaine de mesures trčs ancrées ŕ gauche pouvaient-ils faire redémarrer une campagne qui sessoufflait? Cétait tout lenjeu du Ť11 févrierť , le meeting au cours duquel Ségolčne Royal a mis un terme ŕ sa fameuse Ť phase découte ť (des Français) et dévoilé son Ť pacte présidentiel ť .
Laffaire nétait pas gagnée davance vu le recul dans les sondages de la candidate socialiste qui, fin janvier, avait enregistré son pire score depuis un an 26% -, alors que Nicolas Sarkozy obtenait 35% des intentions de vote. Sa prestation, pourtant bien accueillie, ne semble pas avoir résolu le problčme. Du coup, les dirigeants socialistes cachent difficilement leurs inquiétudes face aux dysfonctionnements de la campagne dune candidate ŕ laquelle on reproche notamment de se Ť tromper délection ť et de confondre la présidentielle avec une régionale.
Procčs en incompétence
Le harcčlement de la droite aura été pour beaucoup dans ce recul dont limpact a été aggravé par la Ť droitisation ť dune fraction des intellectuels, autrefois de gauche et ralliés ŕ Nicolas Sarkozy : André Glucksmann, le chevčnementiste actualité politique, Pascal Bruckner… Les adversaires de Ť Ségolčne ť nont en effet cessé dinstruire son procčs en Ť incompétence ť et se sont délectés de ses Ť bévues ť en politique étrangčre la plus célčbre restant sa sortie sur les Ť tribunaux chinois plus rapides quen France ť . Cela na pas été sans conséquence puisque 60% des Français estiment que le candidat de lUMP Ť a plus la stature dun Présidentť . Pour autant, la droite nest pas la seule responsable de lessoufflement dune campagne qui avait démarré tambour battant.
La force de la candidate socialiste a été de saisir, comme dailleurs Nicolas Sarkozy, lampleur du processus de délégitimation de toutes les élites pour cause de promesses non tenues, dalternance paralysante et darrogance envers la population. ŤSégoť a aussi compris combien était forte la volonté de changement des électeurs, leur envie de parler, de se faire entendre et de faire de la politique Ť autrement ť . Elle a dautant mieux réussi ŕ incarner ce changement quelle est une femme et quelle a mené campagne autour de la Ť démocratie participative ť . Cette recette, censée pallier la crise de la démocratie représentative, a déjŕ été utilisée ŕ létranger, notamment par Tony Blair, ou dans des scrutins locaux en France. Avec succčs : le site Desirsdavenir.org, plate-forme de lancement de la campagne Royal, a accueilli plus de 2 millions de visiteurs et enregistré 135 OOO contributions sur cinquante thématiques, parmi lesquelles Ť léconomie et le travail ť arrivent en tęte.
Limpossible synthčse des Ť points de vue du peuple ť
Cest sans doute ce positionnement Ť différent ť qui, dans un premier temps, a assuré son succčs. Mais il sest ensuite retourné contre elle. Comme si son côté iconoclaste devenait anxiogčne aux yeux de Français qui attendent un Président fort, sachant ce quil veut et porteur dun programme clair. Dés lors, lélaboration dun programme Ť ŕ partir des demandes du peuple ť a généré une impression dincohérence due ŕ des exigences contradictoires. ŤLe défi délargir la consultation ŕ des non socialistes, cest que les contradictions ne peuvent pas ne pas affleurer. La synthčse de ce think tank populaire savčre donc difficile, estime le chercheur Loďc Blondiaux dans le quotidien Libération. La seule solution est de recueillir les idées les plus originales ou peut-ętre les plus consensuelles. Mais la synthčse des points de vue du peuple est impossible, ce qui nest pas le cas ŕ léchelle dun parti ť . Le malaise crée au sein du parti socialiste par le choc de deux cultures a fait le reste : le courant passe mal entre lappareil socialiste et la campagne Ťparticipativeť (et quelque peu amateur) de Ségolčne Royal. Du coup, les dysfonctionnements se sont accumulés, ŕ commencer par la démission pour Ť désaccord politique ť de Eric Besson, en charge des affaires économiques. La gestion mitterrandienne de la candidate (cloisonnement et mise en compétition des hommes) a encore aggravé les choses.
La montée du centriste François Bayrou ť
Si le recul de Ségolčne Royal aurait sans doute été plus important sans son discours – programme, celui-ci na pas suffi ŕ inverser la tendance. Pire : les mesures ŕ forte connotation sociale annoncées ont nourri les accusations de Ť populisme ť ŕ son encontre. Dautant quelle ne les a pas chiffré (elles sont estimées ŕ 48,6 milliards deuros) ou dit comment elles seraient financées. Cest toute la quadrature du cercle : ne pas prendre en compte un cahier de doléances populaires expose ŕ coup sűr ŕ léchec. Mais répondre ŕ chacune delles par des mesures impliquant plus de dépenses publiques (nouvelles allocations et hausses de celles existantes) est tout aussi périlleux, car cela implique ŕ la fois de les tenir et de sexposer aux accusations d Ťirresponsabilité ť de ses adversaires. Résultat : les derniers sondages donnent Nicolas Sarkozy gagnant avec presque dix points décart. Royal natteint ainsi que 40% des intentions de vote au premier tour contre 47% pour la droite sans compter le score de Jean Marie Le Pen. Ce dernier demeure lune des inconnues du scrutin, lautre étant de savoir qui bénéficiera le plus de lafflux sans précédent des nouveaux inscrits.
En attendant, le tassement de Ségolčne Royal semble avantager François Bayrou. Le candidat centriste, qui puiserait pour 1/3 dans lélectorat de droite et le reste ŕ gauche, pourrait créer la surprise. Rien ne dit cependant que ces intentions de vote se confirmeront dans lisoloir, les instituts de sondage estimant que le score de Bayrou est le plus Ťréversibleť . Lappel de François Hollande, le premier secrétaire du Parti socialiste, ŕ Ť mobiliser toutes les énergiesť et ŕ Ť améliorer le dispositif ť ressemble fort en tout cas ŕ une injonction ŕ se ressaisir. Ségolčne Royal doit dailleurs annoncer rapidement le renforcement et la restructuration de son équipe.